Sœur Esther Champagne : « Scandaleux … les primes des hauts dirigeants de Bombardier»
Sœur Esther Champagne «Scandaleux, inacceptable, indécent»: une religieuse fustige Bombardier
«Je trouve cela scandaleux», lance Esther Champagne dans un petit café du Centre de commerce mondial de Montréal, au cœur du quartier des affaires. «C’est tout simplement scandaleux.»
Ex-présidente du Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises (RRSE), la religieuse Esther Champagne ne décolère pas depuis qu’elle a pris connaissance des salaires et des primes qui seront versés aux hauts dirigeants de Bombardier durant la prochaine année.
Cette politique de rémunération sera discutée lors de l’assemblée des actionnaires de l’entreprise qui se déroulera le jeudi 11 mai, à Dorval.
«Au plan social, je trouve inacceptable que des gens profitent des bénéfices d’une entreprise pour se donner des salaires disproportionnés. Et non seulement les salaires proposés sont indécents, mais on sait, par les médias, que les dirigeants ont mis à la porte 14 000 employés», dit la religieuse, membre de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal.
«Ajoutez à cela que l’entreprise Bombardier a soutiré de nos gouvernements un soutien financier de plus d’un milliard de dollars», rappelle-t-elle.
«Si Bombardier avait réussi à développer son entreprise et à accroître ses bénéfices, on dirait alors que les administrateurs l’ont bien gérée. Mais, non seulement ont-ils mal géré l’entreprise, ils ont aussi mis à pied des employés, ils ont quêté auprès des deux gouvernements et là, ils se pètent les bretelles et s’octroient des augmentations qui n’ont pas de bon sens.»
Le bon sens. À quelques reprises durant l’entretien, la religieuse, qui est toujours membres du conseil d’administration du RRSE, y fait appel. Elle demande, par exemple, quelles seraient les réactions d’un citoyen, s’il était à la tête d’un petit commerce et s’il devait affronter, à son échelle, les défis auxquels font face de grandes entreprises. «Imaginons que son entreprise est en déficit. Alors il lui faudrait emprunter de l’argent pour la sauver. Va-t-il en profiter pour augmenter son salaire? Voyons donc. Cela n’a pas de sens.»
En colère, certes, sœur Esther n’était toutefois pas surprise en apprenant ces augmentations de salaires.
«Il y a quelques années, on avait engagé un certain Paul Tellier [ex- patron du CN, pdg de Bombardier de 2003 à 2004] pour mener à bien la réorganisation de Bombardier. Cela veut dire mettre à pied du personnel. Eh bien, on lui a versé une prime supplémentaire pour avoir réussi à congédier ses employés», lance celle qui a été de nombreuses années à la tête du RRSE, un regroupement de communautés religieuses, d’organismes et d’individus qui entendent promouvoir la responsabilité sociale des entreprises par l’actionnariat engagé.
Assemblée annuelle
Jeudi, sœur Esther Champagne ne participera pas à l’assemblée annuelle des actionnaires de Bombardier. Mais, cela ne fait aucun doute, si elle avait détenu des actions de l’entreprise, elle n’aurait pas hésité à se présenter au micro. Qu’aurait-elle dit aux actionnaires ainsi qu’aux gérants de portefeuilles présents, des gens qu’elle trouve «bien trop timides»?
«D’abord, dans un préambule, j’exposerais, ce que j’apprends, par les médias, sur la gestion de l’entreprise. Puis je demanderais qu’on m’explique la logique d’un tel comportement administratif. Comment une entreprise, qui s’endette continuellement et qui gère mal, à la fois son personnel et ses finances peut-elle décemment exiger des citoyens et des contribuables de telles hausses? Où se trouve la justice sociale dans une telle décision?», résume-t-elle.
Cette discussion sur Bombardier s’est tenue bien avant que la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) n’annonce qu’elle votera contre «la résolution consultative sur la rémunération» soumise aux actionnaires.
Cette récente décision de la CDPQ a dû plaire à sœur Esther qui estimait que «la Caisse devrait manifester un certain cran à l’assemblée générale en expliquant que l’argent dont elle dispose et qu’elle prête à Bombardier, c’est l’argent des citoyens. Comme la Caisse a comme objectif de faire fructifier les placements de tous les individus, il faudrait qu’elle ait le courage d’interpeler l’entreprise et de vérifier où l’argent des contribuables est placé», a-t-elle suggéré dans ce café situé tout près de l’Édifice Jacques-Parizeau, siège de la CDPQ.
Selon la religieuse, les dirigeants de Bombardier ont-ils saisi l’ampleur de l’opposition des citoyens à leur politique de rémunération des administrateurs?
«Je le souhaite», soupire-t-elle. «Ce que j’observe, c’est que rapidement le président [Pierre Beaudoin] a reconnu qu’il ne réclamerait pas cette hausse. Mais je constate aussi que les autres administrateurs se sont faits plutôt silencieux.»
Ce qu’elle craint avant tout, c’est que la hausse des salaires et des primes ne revienne sur le tapis dans quelques mois, et qu’elle se «glisse comme une couleuvre dans d’autres dossiers».
«Ce que je voudrais, c’est que des citoyens et des groupes d’investisseurs demeurent éveillés pour ne pas que ce scandale soit englouti dans l’oubli en cinq ou six mois.»
Sans quoi, Esther Champagne pourrait bien être tentée de demander au courtier de sa communauté religieuse d’acheter quelques actions de Bombardier.
François Gloutnay, Présence – information religieuse
Réf.: http://www.radiovm.com/decouvrir/proximo/soeur-esther-champagne-scandaleux-inacceptable-indecent-une-religieuse-fustige