Économie et justice: des vents contraires?
Le grand homme politique que fut Jacques Parizeau vient de tirer sa révérence. Le défenseur du nécessaire filet de protection sociale qu’il fut aussi va nous manquer encore davantage en cette période du tout à l’économie. Il avait compris les leçons du fameux rapport de Lord Beveridge dans l’Angleterre confrontée aux grands maux de la pauvreté, de la maladie et de l’ignorance : le rôle de l’État est alors de supporter des programmes sociaux qui contribueront même à faire tourner l’économie. Option courageuse en 1942, dans un pays en guerre.
Hélas, un vent contraire souffle le froid chez nous.
Le mois de juin a commencé en milieu scolaire par un spectacle inusité : des parents qui entourent le bâtiment fréquenté par leur enfant en scandant : ne touchez pas à notre école. Ne coupez pas les services d’accompagnement des enfants en difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Des professionnels appréciés perdront leur emploi.
Un document de travail émanant du milieu de la justice réparatrice énumérait récemment les mesures qui vont priver les détenus ou les ex-détenus des programmes de soutien à la réadaptation ou à la réinsertion sociale, à cause de coupures budgétaires partielles ou totales.
Des travailleuses et travailleurs à contrat risquent fort de perdre leur emploi parce que les organismes communautaires employeurs vont devoir opérer sous compression budgétaire. Les bureaux d’assurance-chômage ne dérougissent pas et les fonctionnaires doivent mettre de la pression sur les demandeurs d’emploi. La disparition décrétée des Centres d’emploi –jeunesse et la centralisation des organismes coopératifs répartis sur l’ensemble du territoire démolissent des années de concertation.
Contrainte, austérité, amenuisement du rôle de l’État pour laisser plus de place à l’initiative privée… du marché. Les laissés-pour-compte du système ne prendront pas la Méditerranée pour atteindre le continent rêvé; ils et elles risquent d’imploser sous le poids qu’on leur impose par le virage systémique en cours. Vivement, que notre écoute citoyenne réveille l’imagination et suscite des prophètes d’une justice pour tous.
Gisèle Turcot
www.antennesdepaix.org
Article pour Auvidec-Média / Actualité + le 3 juin 2015